Dynamiques urbaines, ilots de chaleur et perceptions genrées des changements climatiques en Afrique subsaharienne : quels enjeux pour le fond climat à Yaoundé ?
1. CONTEXTE GLOBAL DU CHANGEMENT CLIMATIQUE ET DE L’URBANISATION EN AFRIQUE SUBSAHARIENNE
1.1 – Le changement climatique : un défi mondial
Le changement climatique représente l’un des défis les plus pressants de notre époque. Les rapports successifs du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) ont mis en évidence l’ampleur et la rapidité des modifications climatiques induites par les activités humaines. L’augmentation des températures moyennes, la modification des régimes de précipitations, et la recrudescence des événements météorologiques extrêmes sont autant de manifestations de ce phénomène global. Ces changements ont des répercussions profondes sur les écosystèmes, les sociétés humaines et les économies du monde entier. Ils affectent la disponibilité des ressources en eau, la production alimentaire, la santé publique, et la stabilité des infrastructures, posant ainsi des défis complexes aux communautés du monde entier (GIEC,2022).
Depuis l’adoption de la Convention cadre des Nations Unies sur le Changement Climatique (CCNUCC) en 1992 lors du sommet de la terre à Rio de Janeiro, les initiatives visant à combattre le changement climatique causé par les activités humaines ont gagné en importance. Avec pour but de stabiliser et aujourd’hui d’atténuer les concentrations de GES (particulièrement les émissions de CO2) dans l’atmosphère afin de permettre à l’écosystème de s’adapter de façon naturelle aux changement climatique, ensuite de faire face aux urgences de la dégradation environnementale.
La CCNUCC dans son article premier définit les changements climatiques, comme : « des changements de climat qui sont attribués directement ou indirectement à une activité humaine altérant la composition de l’atmosphère mondiale et qui viennent s’ajouter à la variabilité naturelle du climat observée au cours de périodes comparables » (CCNUCC, 1992).
1.2 – L’urbanisation rapide en Afrique subsaharienne
Parallèlement à cette crise climatique, l’Afrique subsaharienne (ASS) connaît une urbanisation sans précédent. Les villes de la région croissent à un rythme effréné, alimentées par l’exode rural et la croissance démographique naturelle. Cette tendance transforme rapidement le paysage social, économique et environnemental de la région. L’urbanisation offre des opportunités en termes de développement économique et d’innovation, mais elle s’accompagne également de défis considérables. La pression sur les infrastructures urbaines, la prolifération des quartiers informels, et l’augmentation de la demande en ressources et en services posent des problèmes complexes aux autorités locales et nationales.
1.3- L’intersection du changement climatique et de l’urbanisation
Selon ONU-Habitat (2011), les effets de l’urbanisation rapide et du changement climatique convergent dangereusement et menacent sérieusement la stabilité environnementale, économique et sociale du monde entier, créant ainsi une situation particulièrement critique en ASS. Les villes de la région, souvent construites sans planification adéquate, se trouvent particulièrement vulnérables aux impacts du changement climatique. Les inondations, les vagues de chaleur, et les sécheresses affectent de manière disproportionnée les populations urbaines, en particulier les plus défavorisées. Ces phénomènes exacerbent les inégalités existantes et mettent à rude épreuve la résilience des communautés urbaines.
2. PRESENTATION DE YAOUNDE ET DE SES ENJEUX CLIMATIQUES
2.1- Yaoundé : une métropole en pleine expansion
Yaoundé, capitale politique du Cameroun, est emblématique des dynamiques urbaines à l’œuvre en Afrique subsaharienne. Située dans la région du Centre, la ville connaît une croissance démographique et spatiale soutenue depuis plusieurs décennies. Avec une population estimée à plus de 3 millions d’habitants en 2024, Yaoundé fait face à des défis urbains majeurs : étalement urbain, congestion du trafic, gestion des déchets, et accès aux services de base pour une population croissante.
2.2- Caractéristiques géographiques et climatiques
La ville de Yaoundé est située sur un plateau à environ 750 mètres d’altitude. Son relief accidenté, caractérisé par des collines et des vallées, influence fortement son développement urbain et sa vulnérabilité aux aléas climatiques.
Le climat de Yaoundé est de type équatorial guinéen, avec quatre saisons : deux saisons sèches et deux saisons des pluies. Traditionnellement, ce climat offrait des températures relativement modérées et des précipitations abondantes. Cependant, les effets du changement climatique commencent à perturber ces schémas saisonniers.
2.3 – Impacts du changement climatique à Yaoundé
Les manifestations du changement climatique à Yaoundé sont multiples et de plus en plus perceptibles. On observe notamment :
- Une augmentation des températures moyennes, particulièrement marquée pendant les saisons sèches.
- Une modification des régimes pluviométriques, avec des pluies plus intenses mais moins prévisibles.
- Une recrudescence des événements météorologiques extrêmes, tels que les fortes pluies provoquant des inondations.
Ces changements ont des répercussions significatives sur la vie quotidienne des habitants, l’économie locale, et la gestion urbaine.
3. PROBLEMATIQUE DES ILOTS DE CHALEUR URBAINS
3.1- Définition et mécanismes des îlots de chaleur urbains
Ce que l’on appelle îlot de chaleur urbain est principalement une zone urbaine où la température est sensiblement plus élevée que celle des zones rurales environnantes : cela due généralement aux structures de stockage de chaleur liées à la croissance des infrastructures qui augmentent la capacité thermique des villes (Argüeso et al., 2014). Autrement dit, les îlots de chaleur urbains (ICU) sont un phénomène caractérisé par des températures significativement plus élevées dans les zones urbaines par rapport aux zones rurales environnantes. Ce phénomène est le résultat de plusieurs facteurs liés à l’urbanisation :
- La concentration de surfaces imperméables qui absorbent et retiennent la chaleur.
- La réduction de la végétation et des espaces verts qui contribuent normalement au rafraîchissement de l’air.
- La production de chaleur anthropique due aux activités humaines (transports, industrie, climatisation).
- La morphologie urbaine qui peut piéger la chaleur et réduire la circulation de l’air.
3.2- Les îlots de chaleur à Yaoundé : un enjeu émergent
Bien que moins étudiés que dans les métropoles des pays du Nord, les îlots de chaleur urbains sont une réalité croissante à Yaoundé. L’expansion rapide de la ville, la densification de certains quartiers, et la réduction des espaces verts contribuent à l’intensification de ce phénomène. Les zones les plus touchées sont souvent les quartiers densément peuplés, avec peu d’espaces verts et une forte activité économique. Les quartiers informels, caractérisés par des constructions précaires et un manque d’infrastructures, sont particulièrement vulnérables.
3.3- Impacts sanitaires et socio-économiques des îlots de chaleur
Les conséquences des îlots de chaleur urbains à Yaoundé sont multiples et préoccupantes :
- Sur le plan sanitaire, l’augmentation des températures accroît les risques de maladies liées à la chaleur, en particulier chez les populations vulnérables (personnes âgées, enfants, malades chroniques).
- D’un point de vue économique, la chaleur excessive peut réduire la productivité du travail et augmenter les coûts liés à la climatisation.
- Sur le plan social, les îlots de chaleur exacerbent les inégalités, affectant de manière disproportionnée les quartiers défavorisés.
En effet, l’étude des îlots de chaleur dans la ville de Yaoundé pose des défis méthodologiques importants. Le manque de stations météorologiques urbaines et de données historiques fiables complique la quantification précise du phénomène. De plus, la rapidité des changements urbains nécessite des mises à jour fréquentes des données.
4. DIMENSION GENREE DES PERCEPTIONS ET IMPACTS DU CHANGEMENT CLIMATIQUE
4.1- L’importance de la perspective de genre dans les études climatiques
L’intégration de la perspective de genre dans l’étude du changement climatique est essentielle pour comprendre pleinement ses impacts et développer des stratégies d’adaptation équitables. Les hommes et les femmes peuvent avoir des vulnérabilités, des perceptions et des capacités d’adaptation différentes face aux changements environnementaux. Cette approche genrée est particulièrement pertinente dans le contexte africain, où les rôles sociaux et économiques sont souvent fortement différenciés selon le genre.
4.2- Différences genrées dans la perception du changement climatique
Les recherches préliminaires suggèrent que les femmes et les hommes à Yaoundé peuvent percevoir et interpréter différemment les manifestations du changement climatique. Ces différences peuvent être influencées par plusieurs facteurs :
- Les rôles sociaux traditionnels, qui exposent différemment hommes et femmes aux impacts climatiques.
- L’accès à l’information et à l’éducation, qui peut varier selon le genre.
- Les responsabilités familiales et communautaires, souvent genrées, qui façonnent les priorités et les préoccupations.
4.3- Vulnérabilités spécifiques des femmes face au changement climatique
Dans le contexte urbain de Yaoundé, les femmes peuvent être particulièrement vulnérables à certains aspects du changement climatique :
- La responsabilité de l’approvisionnement en eau du ménage, qui devient plus difficile en cas de sécheresse ou de perturbation des services d’eau.
- La gestion de la santé familiale, mise à l’épreuve par l’augmentation des maladies liées à la chaleur et aux changements environnementaux.
- L’engagement fréquent dans le secteur informel, souvent plus exposé aux aléas climatiques.
4.4- Potentiel d’adaptation et résilience des femmes
Malgré ces vulnérabilités, les femmes de la ville de Yaoundé démontrent également une capacité d’adaptation et de résilience remarquable. Leur rôle central dans la gestion des ressources du ménage et leur implication dans les réseaux communautaires en font des actrices clés de l’adaptation au niveau local.
L’étude vise à mettre en lumière ces capacités et à identifier les moyens de les renforcer dans le cadre des stratégies d’adaptation urbaine.
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